3- La sublimation de la violence raciale

Publié le par Marie S.

 

 Enfin, la violence n'est pas uniquement physique et la sublimation ne connote pasforcément une idée méliorative. En effet, le manichéisme de Miller que nous avons en partie étudié entraîne une vision raciale des peuples. Les œuvres nous offrent une interprétation de la représentation de l'autre, de l'« ennemi ». En effet, Miller dessine les Spartiates comme des êtres supérieurs, libres, déterminés, puissants, tandis que les Perses sont efféminés, désordonnés et vaincus – dans un premier temps – facilement. Ce désordre symboliserai-t-il un manque de civilisation face aux Spartiates ordonnés et synchronisés dans leurs mouvements ? Cette question sera davantage traitée lorsque seront abordées les opinions de l'auteur. Toutefois, l'idée de racisme semble se dégager naturellement à travers un manichéisme omniprésent.


Les Spartiates et leurs alliés sont les seuls hommes de peau blanche. Les Perses sont soient noirs ou soient mates chez Snyder. Miller, quant à lui, dessine les Perses sous les traits stéréotypés et racistes du nez écrasé des personnes noires. Une apologie de l'homme blanc face aux autres peuples est donc livrée à travers 300. Hérodote ne fait aucune distinction sur la couleur de la peau. Il s'axe davantage sur la différence des armes, des tenues de combat ou de la langue comme dans sa longue description de l'armée perse du paragraphe 161 à 186.


Cette violence raciale atteint son paroxysme dans le personnage d'Ephialtès. Alors que chez Miller et Snyder, il apparaît comme un bossu monstrueux, chez Hérodote, au contraire, il est un homme sans particularité physique. Toutefois, Hérodote use du terme « traître » pour parler de cet homme au paragraphe 213. De même, bien qu'il se revendique historien, il apporte sa propre vision de la traîtrise au paragraphe 214 : « Ce fut Ephialtès qui conduisit les Perses par la montagne, ce fut lui qui leur découvrit ce sentier, et c'est lui que j'accuse de ce crime ». Ici, Hérodote sort totalement de son rôle d'historien ; il sort de sa neutralité d'historien. Il l'« accuse » avec insistance ; il insiste en utilisant la forme accentuée « c'est », « ce fut » afin de rendre plus tonique le pronom personnel qui suit « lui ». Il dénigre donc ouvertement Ephialtès. Toutefois, bien qu'il ait trahi les siens, Hérodote n'apporte pas de précisions sur son physique. Cet ajout de la part de Miller alimente donc encore la violence raciale au sein des deux œuvres contemporaines. En effet, Ephialtès nous est également révélé comme un traître suite au refus de Léonidas qu'il combatte aux côtés des siens. Son handicap physique et sa difformité en sont la cause. Le personnage rejeté rejoint donc les Perses. Aux yeux de Miller, c'est un traître vis à vis des Spartiates, pour qui le pardon est impossible. Il le dépeint donc comme le monstre emblématique de son œuvre. Il symbolise la laideur et la difformité par excellence avec son corps bossu, aux muscles rocailleux parsemés de grains de beauté, une tête trop grande pour le casque, un œil plus petit que l'autre. Cette description ne suffisant pas à rendre compte de sa laideur, en voici une image qui est reprise dans le film dans les moindres détails.


 

II-3-Ephialtes.jpg

MILLER Frank (scénario et dessin), Varley Lynn (couleurs). 300. Montreuil : Rakham, 1999. "Gloire", f.1. 

 

 

ScreenShot006.jpg

SNYDER Zack. 300. États-Unis : Warner Bros, 2007. 1:16:28

 


Miller à travers ces nombreux détails semble donc le punir de sa trahison. Le dessinateur n'a aucune pitié pour cette action. Ephialtès, difforme de naissance, auraitdû êtrelivré à la mort dès sa naissance. Malgré sa forte volonté d'aider les Spartiates, sa difformité le condamne à être rejeté. Ce personnage montre donc aussi l'intolérance des Spartiates face au refus de la différence. Toutefois, Léonidas ne le tue pas. Son choix se justifie par la survie de ses soldats. La moindre faiblesse dans la phalange ruine toute la formation. Ce personnage possède donc une double fonction qui est d'être à la fois le personnage qui trahit mais aussi celui qui est rejeté par le racisme des siens.


Enfin, cette violence raciale soulève quelques débats. Certes un racisme est présent dans l’œuvre, racisme qui peut être un reflet de la vision spartiate. Mais qu'en est-il de la vision de l'auteur ? Comment pouvons-nous être sûr que ce racisme ne concerne que l'histoire et non l'auteur ? C'est ce que nous allons tenter de démontrer à présent.

 

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