1- La sublimation de la violence par l'intermédiaire de la guerre

Publié le par Marie S.

 

  Le leitmotiv de la violence au sein des trois œuvres se révèle à travers le thème de la guerre. En effet, il s'agit de rendre compte de la bataille des Thermopyles. Chaque support aborde ce thème de différentes façons. Nous pouvons d'ors et déjà distinguer deux approches distinctes : celle d'Hérodote, une œuvre textuelle, et celles de Miller et de Snyder, deux productions s'appuyant sur l'image. L'Enquête ne rend pas aussi intensément la violence que le film ou le roman graphique qui s'appuient à la fois sur le texte et les images pour l'illustrer. L'auteur antique ne possède que le texte pour son compte-rendu ; il doit donc créer des images mentales chez son lecteur en décrivant davantage. Ce procédé atténue donc la violence. De même, il met davantage en avant les actes, les événements que les détails. Il établit une liste chronologique afin de répertorier plutôt que de vouloir provoquer une émotion chez le spectateur.

De même, Hérodote emploie le temps du passé simple. Ce temps donne moins d'impact aux événements et à la violence car ils sont passés et terminés. Dans les deux 300, ce sont les images qui servent de descriptions. La violence est donc instantanée et omniprésente, à tel point que le sang ou la brutalité sont les fondements desdeux œuvres contemporaines. En effet, la couleur rouge parcourt la totalité de 300. Elle est présente dans les capes, les feux de camps lorsque Dilios raconte ses histoires, dansles yeux du loup, légèrement dans le ciel sous des teintes orangées, mais aussi et surtout dans le sang. Cette couleur, bien que non dominante, attire pourtant notre regard. Ce rendu est dû à un traitement particulier des couleurs sombres. Lynn Varley peint avec des couleurs sombres, pâles. Seules les capes pourpres, bien que sombres aussi, tranchent parmi le décor. Dans son film, Snyder garde l’atmosphère sombre millérien. Il utilise un traitement chromatique spécifique appelé « crush », « écraser » en français. Cette technique « écrase » donc les noirs pour valoriser et rendre plus éclatantes les autres couleurs, ici le rouge. De même, les trois couleurs dominantes noir, rouge et or ne sont pas sans nous rappeler les peintures sur les amphores grecques. Varney et Snyder respectent donc le contexte historique. Le rouge est aussi présent dans le titre qui retranscrit une certaine violence à travers la calligraphie employée : un jet d'encre rouge avec des éclaboussures comme une lame vive qui a tranché violemment un corps. Le lecteur, avant l'ouverture du livre, pressent ce qui va suivre.

Ensuite, le sang apparaît certes dans les blessures infligées mais aussi et surtout sous forme d'éclaboussures. Cela rend plus esthétique la violence que de voir le sang en mouvement. Il est omniprésent au bout des lances, armes principales des hoplites. Miller offre à son lecteur des planches représentant des scènes où les Spartiates transpercent sans scrupule les Perses. Ce sont certes des images empreintes de violence mais ce ne sont pas les plus choquantes. Des détails viennent accentuer cette brutalité.


Violence.-Lances.jpg

MILLER Frank (scénario et dessin), Varley Lynn (couleurs). 300. Montreuil : Rakham, 1999.  "Combat", f.6.

 


Ces trois vignettes permettent de dramatiser l'action et d'accentuer la violence. En effet, la dramatisation s'effectue à travers une amplification progressive. Les vignettes sont de plus en plus hautes, la taille de la police plus grande et plus épaisse, le sang de plus en plus vif et épais. De même, la violence s'effectue aussi dans l'association des images et du texte : les deux premières images sont en adéquation avec le texte : « pas de prisonniers », « Pas de quartier » ; la voix-off justifie les actes. La violence apparaît alors brutale dans la dernière vignette : « Un bon début ». La voix-off approuve donc ces gestes impétueux à travers un adjectif mélioratif « bon ». Il complimente donc le caractère belliqueux des Spartiates.

Dans le film, nous ne retrouvons pas cette subtilité dans le détail. La violence s'effectue davantage dans le mouvement qui illustre la pénétration de l'arme dans la chair humaine.

[Vidéogramme "La Violence des combats"] 

 SNYDER Zack. 300. États-Unis : Warner Bros, 2007. 48:00 - 49:12. 2

 

Lorsque le spectateurvoit cette chorégraphie, ilressent mentalement une certaine douleur. Ce n'est pas forcément naturel de voir un homme, notre égal, se faire transpercer, ennemi ou non. Cela produit une montée d'adrénaline qui est augmentée avec les effets de ralentis avant et après la pénétration, et d'accélération pendant celle-ci ; accélération renforcée avec les zooms avant. Le spectateur retient son souffle avant l'acte puis se détend après celui-ci. Toutefois, le travelling horizontal qui constitue une unique scène, ne laisse pas le temps au spectateur de se détendre, puisqu'il enchaîne les combats au même rythme que le personnage. La violence est aussi sublimée par des membres coupés, des corps qui volent et des éclaboussures de sang, technique reprise de l’œuvre de Miller. La musique, No mercy, est atténuée par les bruitages qui submergent la scène. Le regard du spectateur et les mouvements chorégraphiés des soldats sont accompagnés de cris de douleur, de lances qui fendent le vent, de tintements de métal.

Pour terminer, les moyens modernes utilisés pour film -les images de synthèse, la musique- aident à lasublimation de la violence car ils serapprochent davantage de la réalité. Plus la violence et le sang seront réels, plus le spectateur sera affecté. De plus, les progrès des techniques cinématographiques ont permis au genre du péplum d'évoluer. Prenons la définition de Jean-Pierre Jaubert datant de 1994 : « Dans les péplums, la violence reste « bon enfant » et le fantastique ne fait pas peur. Pour les adultes, ces films ont un aspect rétro souvent réjouissant. »1. Nous voyons donc que la totalité de sa définition est remise en question. Le fait que la violence soit sublimée à travers des moyens modernes rend le genre plus sérieux et plus sombre.

___________________

1 JAUBERT Jean-Pierre (dir.). « L'Antiquité au cinéma : péplum et superproduction ». BT2, novembre 1994, n°271. p.45.

2    Pour son caractère violent, ce vidéogramme intitulé "La Violence des combats" se trouve sur le dvd en votre possession.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article