2 – La sublimation de la violence à travers les valeurs de Sparte

Publié le par Marie S.

 

 Ensuite, la violence est sublimée à la fois par sa présence sur le devant de la scène – la guerre, les combats – mais aussi en arrière plan, créant ainsi une atmosphère extrêmement violente. En effet, les Perses et les Spartiates sont les deux acteurs majeurs de cette guerre. Tous deux sont des peuples fondés sur la violence. Les Perses sont soumis, se font fouetter. Cette violence reste ponctuelle. Or, la violence chez les Spartiates s'établit dès la naissance.

 

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    MILLER Frank (scénario et dessin), Varley Lynn (couleurs). 300.Montreuil : Rakham, 1999. "Gloire", f.3.

 

 

 

 

SNYDER Zack. 300. États-Unis : Warner Bros, 2007. 0:56 - 3:31.

 

Avant de voir plus en détails tous les actes de violence, nous remarquerons qu'astucieusement, Snyderdébute son film en livrant de nombreuses informations sur la formation des Spartiates. Ces informations, narrées par l'intermédiaire d'une voix off grave, permettent de donner un cadre de violence dès l'ouverture de son film. Snyder ne s'encombre pas de ces détails historiques pour le reste de son film. Ils'axe ainsi uniquement sur le présent de la bataille et évite les retours dans le passé. Snyder fait donc une synthèse des éléments que Miller glisse tout au long de son roman graphique. Notre extrait, situé au troisième chapitre, permet d'expliquer le comportement belliqueux des soldats.

En plus de trois minutes, Snyder expose ce que Miller a dessiné en cinq vignettes avec une phrase chacune. Le cinéaste apporte donc davantage d'informations que le dessinateur.

Dès leur naissance, les Spartiates sont soumis à la violence, sans qu'on leur en donne le choix. En effet, Sparte a une politique eugéniste ; politique menée dans leur recherche d'un idéal humain, sans faiblesse, afin d'assurer la survie de la cité. La violence s'établit dans le fait que la différence n'est pas acceptée. L'enfant subit ensuite une éducation sévère dans laquelle l'hommeest effacé derrière sa fonction de soldat ou de futur soldat. Les enfants sont formés pour devenir des guerriers forts et sans peur. Ils ne peuvent devenir ce qu'ils veulent. La liberté pour laquelle les Spartiates se battent semble donc ambiguë. Toutefois, avant de mourir, Léonidas pose son armure et son bouclier, si bien qu'il ne porte plus aucun attribut de Sparte. C'est donc juste avant de mourir que le roi est véritablement libre et qu'il sort de tout cet héritage spartiate.

La violence s'établit aussi entre la comparaison de notre culture européenne à celle de Sparte. En effet, au 21ème siècle, l'enfant a vu son statut évoluer avec des droits qui lui sont conférer, certains parlent même d’ « enfant-roi ». En cas de violence, il est protégé par des lois.Ainsi, la vue d'enfants tués, fouettés, livrés à eux mêmes dans une nature sauvage accentue cette violence. Les auteurs jouent donc sur la sensibilité du spectateur ou du lecteur.

Ensuite, la violence n'est pas seulement présente dans les actes ou les coutumes, mais aussi dans les mots, ceux de la voix off mais aussi ceux du style laconique.Tout d'abord, chez Miller ce sont les constructionsdes propositions qui mettent en valeur la violence de l'éducation spartiate. Nous avons tout d'abord une phrase hypothétique en « si » qui révèle la survie aléatoire desnouveau-nés :« Si on est petit, faible, maladif,ou malformé,on est abandonné. »Toujours dans cette même citation, l'énumération progressive permet de donner du rythme à la phrase, de la rendre plus dramatique. La soumission de l'enfant est symboliséeà travers le jeu des pronoms : les pronomspersonnelscomplément d'objet direct « nous » sont soumis aux pronoms personnels « on » qui sont acteurs : « on naît, on nous examine », « on nous affame », « on nous jette dans la nature ». De même, nous retrouvons à travers ces phrases courtes et concises, le style laconique des Spartiates, concision en adéquation avec l'éducation militaire. De même, ce style laconique se mêle assez naturellement au style millérien à la fois efficace et austère.

Ensuite, l'incipit du film développe davantage les dessins de Miller. Snyder les embellit en ajoutantcertaines informations. Les mots ont une portée plus forte, ils ont plus d'intensité. Par exemple, lorsque Miller utilisele terme « abandonné » tout en dessinant un nouveau-né jeté dans le vide, Snyder emploiera le mot « éliminé ». Bien que le réalisateur nenous montre aucun enfant jeté dans un ravin, la caméra filmant en contre-plongée les crânes (0:28) connote la même idée. La violence est toutefois atténuée dans le film car le style laconique est éclipsé par la voix-off narrative qui ajoute des détails. Le style concis disparaît donc au profit d'une succession de séquences. Snyder ajoute également le thème du patriotisme lorsque le père frappe contre le bouclier.

La violence est donc présente au cœur du système éducatif de Sparte. La violence, la souffrance est un quotidien pour les Spartiates, une notion qu'ils ont intégréeà leur mode de vie et qu'ils approuvent. La violence guerrière que nous avons vuedans la partie précédente est donc justifiée à travers les valeurs de Sparte. En effet, les Spartiates ont subi cette violence dans un but précis : ne pas perdre contre un ennemi afin d'éviter de lui être soumis et perdre leur liberté et ainsi perdre leur liberté.

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